Pas de Plaques à Pâques !

Depuis la démocratisation du chocolat au cours du XIXè siècle, la consommation de ce produit à Pâques s’est imposée. Les lapins et œufs en chocolat inondent les vitrines des chocolatiers, comme les rayons des grandes surfaces. Les uns et les autres redoublent de créativité pour nous séduire. Mais en parallèle de l’inflation qui affecte les budgets, le chocolat connaît également une forte hausse. En cause : une baisse significative des récoltes due au dérèglement climatique. Le chocolat doit-il rester un incontournable de cette fête printanière ? Retour vers les autres traditions pascales, et le chocolat à croquer pour ne pas faire craquer la planète !

Pâques et le chocolat : une tradition récente

Si la tradition remonte au Moyen-Âge, il faut attendre le XVIIIe siècle pour que l’idée de vider les œufs et de les remplir de chocolat pour la fête de Pâques émerge. Au XIXe, l’apparition des moules et les évolutions techniques permettent de réaliser des œufs entièrement en chocolat. Pourquoi l’œuf me direz-vous ? Dès le IVè siècle, l’Église prohibe la consommation d’œufs pendant le Carême. On les conserve donc jusqu’au jour de Pâques, où ils sont mangés mais également décorés et offerts. L’œuf est un symbole fort car il représente la vie et la renaissance, à cette période du printemps. La poule et les poussins sont venus par extension remplir les étals des chocolatiers. Et pour ce qu’il en est des lapins, l’origine est à trouver dans la mythologie nordique. Le lapin était l’emblème d’Ostara, déesse du printemps et du renouveau de la vie sur terre.

Aujourd’hui, les Français consomment en moyenne plus de 12kg de chocolat par an (Syndicat du Chocolat, 2023), soit quasiment deux fois plus qu’il y a 10 ans. Pâques est devenu un des jours où l’on en consomme le plus, parfois jusqu’à s’en rendre malade. Il n’y a qu’a constaté le chiffre d’affaires que représente cette fête pour les chocolatiers, qui s’établit entre 20 et 40% de leurs recettes annuelles.

Oeufs en chocolat par l'Ogre de Carousselberg
Oeufs en chocolat par l'Orge de Carousselberg
Sacs de fèves de cacao

Encore du chocolat à Pâques dans quelques années ?

Si certains sont prêts à flamber, le budget moyen par foyer reste d’une vingtaine d’euros pour Pâques. Une des explications : les Français achètent majoritairement leur chocolat en grande surface (70%). Sans compter l’inflation récente… et l’augmentation du prix du chocolat !

En effet, le chocolat est fait à partir de cacao. La Côte d’Ivoire et le Ghana représentent à eux deux quasiment 60% de la production mondiale. Or, ces dernières années, plusieurs mauvaises récoltes se sont enchaînées. En parallèle, la demande ne fait qu’augmenter, et le marché du chocolat augmente entre 3 et 5% chaque année. Depuis 2022, les cours ont explosé. Alors que la tonne de cacao se vendait aux alentours de 2 000€, elle est désormais en moyenne à 8 000€ avec des pics records à plus de 11 000€ en avril 2024 ! Les raisons : un dérèglement climatique qui perturbe la production de cacao et des travailleurs souvent exploités qui profitent de cette demande importante pour revendiquer une meilleure rémunération. Le chocolat est un des rares produits dont le processus a d’abord été industrialisé. 4 multinationales récupèrent et transforment 65% de la production. Ce n’est que récemment que des filières de qualité ont vu le jour, notamment avec l’émergence du mouvement Bean to Bar, qui consiste pour un chocolatier à partir de la fève pour réaliser son chocolat.

Encore du chocolat à Pâques dans quelques années ?

Si certains sont prêts à flamber, le budget moyen par foyer reste d’une vingtaine d’euros pour Pâques. Une des explications : les Français achètent majoritairement leur chocolat en grande surface (70%). Sans compter l’inflation récente… et l’augmentation du prix du chocolat !

En effet, le chocolat est fait à partir de cacao. La Côte d’Ivoire et le Ghana représentent à eux deux quasiment 60% de la production mondiale. Or, ces dernières années, plusieurs mauvaises récoltes se sont enchaînées. En parallèle, la demande ne fait qu’augmenter, et le marché du chocolat augmente entre 3 et 5% chaque année. Depuis 2022, les cours ont explosé. Alors que la tonne de cacao se vendait aux alentours de 2 000€, elle est désormais en moyenne à 8 000€ avec des pics records à plus de 11 000€ (pic record le 15/04/2024) ! Les raisons : un dérèglement climatique qui perturbe la production de cacao et des travailleurs souvent exploités qui profitent de cette demande importante pour revendiquer une meilleure rémunération. Le chocolat est un des rares produits dont le processus a d’abord été industrialisé. 4 multinationales récupèrent et transforment 65% de la production. Ce n’est que récemment que des filières de qualité ont vu le jour, notamment avec l’émergence du mouvement Bean to Bar, qui consiste pour un chocolatier à partir de la fève pour réaliser son chocolat.

Grappe de chardonnay - Crédit : Vignoble du Haut-Escaut

Mais comment fait-on du chocolat au juste ? 

Le cacaoyer se plaît sous un climat tropical. Les cabosses, qui contiennent les fèves (une quarantaine en moyenne), sont récoltées à la main. Plusieurs passages sont nécessaires pour les récoltées à maturité. Les fèves, entourées de leur pulpe, sont ensuite récupérées et fermentées pendant 5 à 6 jours. Elles sont lavées et séchées entre 1 à 2 semaines pour faire descendre le taux d’humidité en-dessous de 8% afin de garantir leur bonne conservation, puis elles sont exportées. Très peu sont les pays producteurs qui transforment les fèves en chocolat.

Pour fabriquer cet “or noir”, les fèves sont torréfiées pendant 20 à 30 min entre 100 et 140°C. Cette étape permet de développer les arômes, comme dans le café. Elles sont ensuite concassées et broyées pour obtenir une masse de cacao. Une partie de la pâte est pressée pour obtenir du beurre de cacao et de la poudre de cacao. L’autre partie sert à fabriquer le cacao.

Pour le chocolat noir, on vient ajouter du sucre et du beurre de cacao à la poudre de cacao. Pour le chocolat au lait, on rajoute en plus de la poudre de lait.

Fèves de cacao exposées dans la boutique Encuentro
Conchage

Il est ensuite temps de passer au conchage : la pâte est malaxée à 80°C entre 12 et 48h pour obtenir une pâte très homogène. Cette étape joue sur la finesse et l’onctuosité du chocolat. Enfin, on procède au tempérage, qui consiste à réaliser un refroidissement en plusieurs étapes pour conserver les arômes. On a alors un chocolat dit de couverture, qui est prêt à être utilisé par les chocolatiers.

Comme dans le café ou le vin, il existe différentes origines de cacao, avec des caractéristiques organoleptiques différentes. Si les filières de qualité valorisent ce goût de « terroir », les industriels n’hésitent pas à mélanger les fèves, pas toujours arrivées à maturité et bien conservées, ce qui les amènent à ajouter de la lécithine ou des arômes pour faciliter la malléabilité du chocolat et ainsi cacher les potentielles imperfections.

Le chocolat : le nouvel avocat ?

La demande mondiale de ce produit ne fait qu’augmenter. Or, son impact écologique n’est pas des moindres. Au-delà du fait qu’il faille l’importer de l’autre bout du monde pour les Européens, premiers consommateurs au monde, le chocolat demande beaucoup d’eau. Il faut 1 720L d’eau pour produire une tablette de 100g, soit plus que pour un steak de boeuf (1 540L pour 100g) ; il fait malgré tout noter que l’on mange rarement 100g de chocolat en 1 repas (source : Water Footprint Network).

Cabosse - Crédits Encuentro

La pression sur les écosystèmes est de plus en plus forte et se fait sentir. Le dérèglement climatique et la monoculture affectent considérablement les rendements, tandis que la déforestation pour planter des cacayoers ne fait qu’aggraver le déséquilibre de ces écosystèmes. Entre 2000 et 2019, on estime la culture du cacao responsable de 45% de la dégradation et de la destruction des forêts en Côte d’Ivoire, d’après l’étude publiée par Cécile Renier et al. en 2023.

 

Le chocolat est un produit de luxe qui n’a jamais été reconnu comme tel, mais qui risque bien de reprendre ses lettres de noblesse. La consommation ne pourra pas continuer d’exploser comme elle le fait actuellement, sans détruire des écosystèmes entiers et condamner des populations entières qui dépendent de cette culture. En Côte d’Ivoire, c’est 1/5 de la population qui vit de la culture du cacao, bien qu’elle soit exploitée.

Un mouvement pour redonner ses lettres de noblesse au chocolat

Tous les chocolats ne se valent pas, que ce soit au niveau gustatif ou sur le plan de la durabilité. Des filières de qualité ont émergé au début des années 2000 : l’entreprise solidaire Ethiquable, la certification Fairtrade, mais aussi et surtout le mouvement Bean To Bar.

Né au Etats-Unis en 2000, ce mouvement vise à fabriquer du chocolat en maîtrisant l’ensemble des étapes, de la fève à la plaque, le tout en utilisant des méthodes artisanales, avec l’ambition de construire une filière vertueuse. L’appellation “Bean To Bar” n’est pas encadrée, mais l’association Bean To Bar France a justement été créée en 2021 pour la définir et la protéger. Le lien avec les producteurs est très fort et permet d’obtenir des fèves de qualité, pour révéler le vrai goût du cacao, suivant son origine et son terroir. Les fèves sont transformées dans l’atelier du chocolatier. Le secret : du cacao, du sucre et rien d’autres ! Aucun ajout n’est réalisé.

En France, les chocolatiers Bean To Bar représentent moins de 2% des chocolatiers. Dans la région des Hauts-de-France, on peut nommer la chocolaterie Raoul (Neuve Chapelle), Hill Bar (Lille) et l’incontournable Encuentro (Lille). La manufacture Encuentro a été fondée par Candice et Antoine à Saint-André-lez-Lille en 2017 et participe aux rayonnements des savoir-faire gastronomiques de la région. Depuis 8 ans maintenant, la manufacture travaille en direct avec des producteurs qu’ils rémunèrent à plus de 10 000€ la tonne. Si l’augmentation des marchés ne les touche pas vraiment, c’est la qualité du cacao et leur approvisionnement qui sont en danger. En effet, les industriels paient désormais quasiment le même prix pour avoir du cacao de basse qualité, ne justifiant dès lors pour les producteurs plus le besoin de faire plus d’effort pour conserver la qualité de leur cacao (voir article Encuentro). Et si vous avez déjà laisser un carré Encuentro fondre sous votre palais, cela devrait vous inquiéter !

Le chocolat est un produit de luxe et les industriels ne pourront plus longtemps faire semblant.

Antoine et Candice, fondateurs d'Encuentro - Crédits Encuentro
Antoine et Candice, fondateurs d'Encuentro - Crédits Encuentro

Pas de plaques à Pâques ?

Et si Pâques était l’occasion de se faire plaisir en achetant du bon chocolat ? Le coût est certes supérieur, mais la redécouverte du chocolat tellement surprenante. Vous retrouverez des notes de caramel, d’agrumes dans une tablette du Salvador, des notes de fruits secs et fruits rouges dans une tablette du Pérou ou encore des notes épicées et de bananes séchées dans une tablette de République Démocratique du Congo. Le chocolat qui respecte les origines de ses fèves et leur qualité vous réserve des expériences de dégustation inédites, idéales à partager en famille ou entre amis. Et pour les plus curieux, demandez à votre artisan chocolatier l’histoire de ses fèves et de son chocolat. Elles sont uniques !

Tablettes de chocolat Encuentro

 

Mais Pâques ce n’est pas que du chocolat ! C’est aussi bien d’autres moments et traditions en France et autour du monde. C’est avant tout le moment de fêter la résurrection du Christ pour les Catholiques, l’exode des Hébreux par Moïse hors d’Egypte pour les Juifs et en général, une célébration du renouveau avec l’arrivée du printemps. L’œuf, symbole de cette renaissance, est bien souvent à la tablée. Dans la ville de Crest (Drôme), il existe la couve crestoise, un sablé d’origine provençale en forme de nid de poule avec ses œufs. Dans le village d’Haux (Gironde), tous les ans, depuis 2 siècles, une omelette géante de 4 500 œufs environ est préparée sur la place principale, et vient régaler pas moins de 1 000 personnes.

Pour le plat, l’agneau pascal est aussi un marqueur, en particulier dans la tradition chrétienne. En Alsace, on le retrouve également au dessert sous la forme d’un gâteau tendre en forme d’agneau, appelé Lammala.

Mais d’autres coutumes moins connues, et surprenantes ont également lieu au moment de Pâques. En Grande-Bretagne et dans les pays anglophones, on mange des hot cross buns, des petits pains chauds à la cannelle et aux fruits confits, décorés d’une croix qui dans les croyances païennes représentaient les quatre quarts de la lune avant d’être réappropriée par l’Eglise pour en faire un symbole de la croix du Christ. En Norvège, on attend avec impatience les « Paaskekrimmen », c’est-à-dire les « chroniques policières de Pâques », dans les journaux. Dans les Bermudes, on fait voler des cerfs-volants. Dans certains villages du Nord de la France, la tradition est aux crécelles. Les cloches se taisant le Jeudi Saint, les enfants, armés de leur crécelle déambulaient dans les rues pour les remplacer, en échange parfois d’œufs de poule ou de friandises.

Pour revenir sur le culinaire, on retrouve un nombre incalculable de brioches et gâteaux à travers l’Europe, réalisés pour célébrer la fin du Carême : la mona de pascua (brioche typique des régions de Murcie, d’Aragon, de la Communauté valencienne et de Catalogne), le Kulish (gâteau au rhum et au safran en Russie), le Tsoukeri (pain brioché, tressé et parsemé d’éclats d’amandes en Grèce), la fuggazza vicentina (brioche typique de la Vénétie), ou encore la colomba di pasqua (un gâteau similaire à la panettone moulé en forme de colombe en Italie).

 

Le chocolat s’est peut-être imposé, mais de nombreuses traditions persistent, et sont de multiples manières de fêter Pâques, la fin du Carême, l’exode des Hébreux d’Egypte, le renouveau, et le printemps. Alors, quelle recette cuisiner pour Pâques ? Par quelle origine de chocolat se laisse-t-on surprendre ?

Les chocolatiers Bean To Bar de la région :

Encuentro – 26 rue Félix Faure, 59350 Saint-André-lez-Lille ET 62 Place du Général de Gaulle, 59800 Lille
Hill Bar – 1bis rue Bartholomé Masurel, 59800 Lille
Chocolaterie Raoul – 18 rue du Bois, 62840 Neuve-Chapelle
Chocolaterie Auzou – 13 rue des Trois Cailloux, 80000 Amiens
Chocolaterie Beussent Lachelle – 25 boutiques dans les Hauts-de-France

Rédactrice : Judith Deck-Schegg